Le Digital Services Act est entré cette semaine en vigueur dans l'Union Européenne. On entend de nombreuses voix s’élever contre le “carcan” que semble imposer ce nouveau cadre légal au e-commerce, à la publicité et à l’innovation. Et le retard qu’il nous imposera face au reste du monde. Pour ma part, j’y vois plutôt une réelle opportunité et, enfin, un cadre qui permet aux entreprises européennes d’échapper - en partie, certes - aux effets pervers des positions dominantes acquises par les grands acteurs US.
J’y vois même une évolution qui inspirera certainement d’autres grands pays, à l’instant de la RGPD, si décriée à ses débuts, dont on voit qu’elle inspire largement désormais d’autres législations, y compris jusqu’aux USA.
Mais tout d’abord, rapidement, qu’est-ce que le DSA.
Le Digital Services Act (DSA) a été introduit pour encadrer les services numériques et créer un espace numérique plus sûr où les droits fondamentaux des utilisateurs sont protégés.
Il remplace une directive de 2000, pensée avant la démocratisation d'Internet.
Le DSA est accompagné du Digital Markets Act, qui régule l'activité des "contrôleurs d'accès" pour favoriser la concurrence. Ce dernier sera appliqué à partir de mars 2024.
Le DSA cible les "plateformes et intermédiaires en ligne" accessibles au sein de l'UE, incluant les réseaux sociaux, moteurs de recherche, marketplaces, boutiques d'applications mobiles, et sites de réservation.
Initialement, 19 services, qualifiés de "très grandes plateformes" par Bruxelles, sont concernés. La sélection est basée sur le nombre d'utilisateurs actifs mensuels dans l'UE, fixé à 45 millions. Parmi ces plateformes, on retrouve Google, Meta (Facebook et Instagram), Microsoft, Apple, Amazon, Twitter, Snapchat, Pinterest, Wikipedia, TikTok, AliExpress, Booking et Zalando.
Le DSA ne concerne pas uniquement les 19 "très grandes plateformes". Bien que ces 19 services, qualifiés de "très grandes plateformes" par Bruxelles, soient les premiers à devoir respecter ces nouvelles règles, le DSA a une portée plus large. Il va encadrer les "plateformes et intermédiaires en ligne" accessibles au sein de l'Union européenne. Cette liste inclut notamment les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, les moteurs de recherche, les marketplaces, les boutiques d’applications mobiles et les sites de réservation de voyages et d’hébergements.
Tous les autres services numériques, en dehors des 19 initialement mentionnés, seront également régulés par le DSA. Cependant, le texte leur accorde un délai supplémentaire de six mois, jusqu’au 17 février 2024. De plus, toutes les règles ne s'appliqueront pas nécessairement à toutes les sociétés. Des exceptions sont prévues en fonction de la taille des effectifs ou du chiffre d’affaires réalisé en Europe.
Ainsi, le DSA a une portée qui va bien au-delà des 19 "très grandes plateformes" et peut concerner de nombreux autres sites et services numériques opérant au sein de l'UE.
Les réseaux sociaux doivent respecter de nouvelles obligations concernant la modération des contenus haineux ou illégaux et la désinformation. Ils doivent également mettre en place un mécanisme de signalement des contenus, justifier leurs décisions de modération et permettre un appel.
Les plateformes doivent expliquer leur système de recommandations et permettre aux utilisateurs de désactiver ces algorithmes.
La publicité ciblée visant des données sensibles (religion, pratiques sexuelles, …etc) n'est plus autorisée.
Les marketplaces doivent vérifier l'identité des vendeurs tiers et informer les acheteurs en cas de détection de produits illégaux ou contrefaits.
Contrairement au RGPD, le DSA ne reprend pas le principe de guichet unique. La Commission européenne est l'autorité principale de contrôle pour les très grandes plateformes, tandis que les autres services numériques sont supervisés par les autorités nationales.
Les sanctions sont potentiellement très lourdes: les entreprises qui ne respectent pas le DSA peuvent être sanctionnées par des amendes allant jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial. De plus, des mesures correctives peuvent être demandées, et en cas de non-conformité, une suspension de leurs activités au sein de l'UE est possible.
Comme on le voit, ces pratiques sont très encadrantes et créent des contraintes importantes qui peuvent pénaliser le développement des acteurs du numérique.
Bien que l'objectif afiiché du DSA soit de créer un espace numérique plus sûr et de protéger les droits des utilisateurs, ces nouvelles règles peuvent présenter des défis très lourds, coûteux et complexes à relever pour les acteurs du numérique dans leur développement.
Coûts de mise en conformité : les plateformes devront investir significativement pour se conformer aux nouvelles régulations, que ce soit en termes de technologies, de personnel ou de formation. Cela augmentera leurs coûts opérationnels.
Modération des contenus : les obligations accrues en matière de modération des contenus nécessiteront des ressources supplémentaires et des technologies avancées pour surveiller, identifier et supprimer les contenus haineux ou illégaux. Mais à part les diffuseurs de de contenus haineux ou illégaux, qui s’en plaindra? Quand on voit le cloaque que deviennent chaque jour un peu plus X ou FB, difficile de ne pas s’en réjouir.
Transparence et accès aux données : le DSA exige que les plateformes offrent un accès à leurs données via des API à des chercheurs. Cela soulève des préoccupations en matière de propriété intellectuelle et de protection des données. Qui peut aujourdh’ui faire la différence entre un chercheur et un futur concurrent quand les pouvoirs publics créent des fonds d’investissement spécialisés pour pousser lesdits chercheurs à la création d’entreprises… Et qui garantira que ces chercheurs n’auront pas la tentation de monétiser illégalement ces données légalement obtenues ? Les naïfs qui croient en la bienveillance essentielle de la nature humaine ?
Limitations sur la publicité ciblée : les restrictions sur la publicité ciblée, en particulier celles visant des données sensibles, peuvent affecter les revenus des plateformes qui dépendent largement des revenus publicitaires. Les données sur les préférences politiques feront-elles parties de ces données sensibles ?
Obligations pour les marketplaces : les marketplaces doivent vérifier l'identité des vendeurs tiers et surveiller activement les produits pour détecter les contrefaçons ou les produits illégaux. Cela va clairement augmenter la complexité et le coût de leurs opérations. Mais le consommateur et les marques seront gagnants. Il n’ya finalement aucune raison que les obligations qui pèsent sur ce terrain auprès des distributeurs en général ne s’appliquent pas aux marketplaces.
Sanctions financières et risque de suspension: les entreprises qui ne respectent pas le DSA risquent des amendes pouvant aller jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial et risquer une suspension, au moins temporaire, de leurs activités au sein de l'Union européenne ce qui peut avoir un impact très significatif sur leur rentabilité, voire leur survie. Oui. Le remède est simple: respecter le DSA.
Obligations d'audit : les très grandes plateformes doivent se soumettre à des audits externes sur les risques qu'elles encourent et les mesures qu'elles mettent en place, ce qui sera coûteux et chronophage.
Complexité réglementaire : la nécessité de naviguer et de se conformer à un ensemble complexe de régulations peut ralentir l'innovation et la prise de décision pour les entreprises. Mais il y a des milliers d’autres entreprises qui innovent.
Et ces obligations qui pèseront d’abord et avant tout sur ces grandes organisations ne sont-elles pas au contraire, une chance pour tous ces acteurs jusqu’ici dangereusement mis en difficultés du fait des positions dominantes acquises par ces acteurs majeurs ?
Pour ma part, je pense que le Digital Services Act peut être considéré comme une mesure visant à protéger les petits acteurs du numérique face aux positions dominantes des géants de l'industrie. Dans le contexte digital actuel, il est clairement une mesure de protection des acteurs européens face aux géants US qui se sont imposés depuis 20 ans et se maintiennent en usant de pratiques pour lesquelles ils ont été maintes fois condamnés.
Le DSA équilibre le jeu: en imposant des règles strictes aux "très grandes plateformes", essentiellement US et chinoises, le DSA vise à empêcher les pratiques déloyales ou monopolistiques qui pourraient étouffer la concurrence. Cela donne aux petites entreprises une chance de concourir sur un pied de meilleure égalité.
Le DSA épargne les petits acteurs : toutes les règles du DSA ne s'appliquent pas nécessairement à toutes les entreprises. Des exceptions sont prévues en fonction de la taille des effectifs ou du chiffre d'affaires réalisé en Europe. Cela signifie que les petites entreprises pourraient ne pas être soumises à toutes les obligations coûteuses que les grandes plateformes doivent respecter.
Le DSA protège contre les pratiques déloyales : il impose des obligations de transparence aux grandes plateformes, en particulier en ce qui concerne la modération des contenus et les algorithmes de recommandation. Cela peut empêcher les grandes plateformes de favoriser injustement leurs propres services ou de discriminer les petits acteurs. Mais bien sûr le cas ne s'est jamais produit...
Le DSA apporte de la transparence publicitaire : en exigeant que les plateformes mettent en place une bibliothèque regroupant l'ensemble des annonces publicitaires diffusées en Europe, le DSA vise à créer un environnement publicitaire plus transparent. Cela peut bénéficier aux petites entreprises en leur donnant une meilleure visibilité sur les pratiques publicitaires et en les protégeant contre les publicités trompeuses.
Le DSA peut renforcer la confiance des consommateurs : en créant un espace numérique plus sûr et plus transparent, le DSA peut renforcer la confiance des consommateurs dans les plateformes en ligne. Les petites entreprises, qui n'ont pas toujours les ressources pour établir leur propre réputation, peuvent bénéficier de cette confiance accrue.
Le DSA protège contre les "dark patterns" : le DSA interdit les "dark patterns", qui sont des tactiques conçues pour tromper ou piéger les utilisateurs. Cela protège les petites entreprises qui pourraient autrement être désavantagées par ces pratiques manipulatrices utilisées par certains grands acteurs.
En somme, bien que le DSA impose de nouvelles régulations et obligations, il vise également à créer un environnement numérique plus équitable et transparent, où les petits acteurs - notamment européens - peuvent concourir plus efficacement et être protégés contre les pratiques déloyales des géants du secteur - notamment américains-.
Je vote pour le DSA.
Pour aller plus loin sur le sujet:
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Big Tech braces for roll-out of EU's Digital Services Act
How Europe’s new digital law will change the internet
Les géants de la tech se préparent aux réglementations du Digital Services Act de l'UE
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